LE GESTE VEGETAL – photographies de Samuel Brien

Après avoir étudié les mathématiques, la philosophie des sciences et la création cinématographique, j’ai commencé à développer une pratique artistique audiovisuelle qui tend à garder une certaine proximité avec la science.

Proximité que je crois presque inéluctable en réalité puisque l’art et la science ne sont pas, de mon point de vue, deux pôles distincts, mais bien davantage deux démarches conjointes qui participent en fait d’un même mouvement : celui qui tâtonne dans l’obscurité pour essayer d’esquisser les contours du monde intérieur qui nous habitent et celui, extérieur, que nous habitons.

C’est un même élan qui m’a ainsi amené à m’intéresser aux sciences et aux arts, un même désir de découverte, de compréhension, d’émotions, une même envie de faire fleurir un riche tissu de relations avec ce qui m’entoure. Et plus je grandis, plus je vieillis, plus le champ de ces relations me paraît vaste, fragile et chancelant. Nous abritons et choyons tant de biais, tant de points aveugles, qu’il est parfois vertigineux de prendre conscience de l’exiguïté des rapports qu’on entretient avec le monde.

Les végétaux qui bordent les chemins que j’emprunte régulièrement me sont alors apparus, un peu soudainement, comme des êtres possiblement voués à disparaître avant même qu’on ait eu le temps de les rencontrer et de les comprendre un petit peu. L’exiguïté dont je parlais s’est rendue évidente. Alors j’ai commencé à prendre des photos. La nuit. […]

La nuit parce que je voulais échapper au paysage. Je voulais me donner l’opportunité de rencontrer des végétaux, des individus, et éviter de me perdre dans la végétation. En baladant un faisceau lumineux autour de moi, je découvrais ainsi des structures végétales dont la silhouette se décollait de l’obscurité un instant. Et je cherchais celles qui allaient me saisir le regard, celles qui déployaient leur corps dans une série de mouvements organiques et géométriques à la fois, celles qui semblaient retenir les dessins d’une pulsion de vie, celles qui, peut-être, s’étaient formées par une lente succession de gestes précis et précieux, révélateurs de l’expression d’une individualité. […]

La plante semble irradier, pleine de vie. Pourtant, elle me rappelle aussi, de par sa bi-dimensionnalité, les fossiles qu’on retrouve parfois dans la roche. Elle semble ainsi condenser deux mouvements contradictoires, tiraillé entre élan vital et pétrification immuable. Comme si la profusion des végétaux d’ici et maintenant était déjà prisonnière d’un futur annoncé.

                                                                                                                                                                         Samuel Brien, février 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *