LE SACRE DU PRINTEMPS, PROPOS
La musique de Stravinsky et la chorégraphie de Pina Bausch sont à l’origine de mon travail présenté ici en quatre tableaux. Avec cette recherche, je poursuis ma quête sur le féminin, sa porosité et son «inquiétante étrangeté ». Il ne s’agit cependant que de mon regard sur ces figures et de celui que je leur invente.
Voici donc l’argument du « Sacre » …il n’y a ni histoire, ni intrigue, mais deux parties, deux actes.
Le premier : « L’adoration de la terre », c’est le printemps et la joie règne. Les hommes dansent et interrogent l’avenir suivant les rites. On amène l’aïeul de tous les sages pour l’unir à la terre.
Le deuxième acte est intitulé : « Le sacrifice ». Les adolescentes mènent les jeux mystiques et cherchent la grande voie, glorifient et acclament celle qui fut désignée pour être livrée au dieu.
« Une jeune fille danse jusqu’à épuisement de ses forces devant un groupe de vieillards fabuleusement âgés, desséchés, presque pétrifiés. Cette jeune fille, c’est le printemps lui-même, comme le bourgeon, matière molle, qui perce tout de même la carapace en redonnant vie au corps lignifié de l’arbre. Mais dans son cas, l’image sexuelle demeure… » A. Schaffner
Le Sacre du printemps apparait bien à l’époque, en 1913, comme une création révolutionnaire. Le ballet chorégraphié par Nijinski va marquer l’histoire et représenter le moment fondateur de la danse contemporaine. Lors de sa première représentation, il fait l’objet d’un scandale, son accueil est extrêmement chahuté par le public à tel point que les danseurs n’entendent pas l’orchestre. C’est un éloge sonore de la barbarie.
La chorégraphie de Nijinsky provoque l’hostilité du public tandis que la musique de Stravinsky est entendue comme absolument dissonante, le folklore russe est ici taxé d’inintéressant.
Stravinsky se défend pourtant ainsi : « Le secret du sentiment intime de nos ancêtres pour la terre se révèle dans le sacre du printemps » ; il lui semble « pénétrer le rythme du printemps, ce que les musiciens pourront sentir. »
Sur la création chorégraphique il y eut autant de détracteurs que d’appréciations. Jean Marnol voit un « tournant » dans cette interprétation libérée. Vaslav Nijinsky a pour la première fois fait du ballet une œuvre d’art. « C’est le retour au corps. » écrit Jacques Rivière, Nijinsky a donné à la danse un pouvoir de signification dont elle était dépourvue.
Ce qui m’a intéressée et donné envie d’en approfondir la recherche, c’est qu’à travers le sacrifice qu’il glorifie, le Sacre du printemps n’en demeure pas moins l’histoire d’un féminicide. Les grands chorégraphes du 20ème siècle qui s’emparent tour à tour de l’œuvre de Stravinsky ne l’ignorent pas. La scène de viol esthétisée à l’extrême sera pour Pina Bausch notamment, l’opportunité de parler de la mécanique d’exclusion que subissent les femmes violées.
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Laurence Buaillon